La crise économique majeure que connait le Liban, l’effondrement de sa monnaie, la faillite de sa banque centrale, l’appauvrissement fulgurant de la population n’ont provoqué que peu de réactions internationales. Comme si le monde était fatigué des éternels et insolubles problèmes libanais.
La terrible explosion du 4 août qui a ravagé Beyrouth fut un électrochoc. Cette fois il fallait agir et ne pas se contenter d’envois humanitaires dont beaucoup n’arrivaient d’ailleurs jamais à destination.
Mollement soutenu par ses partenaires européens, Emmanuel Macron a pris le problème à bras le corps, voulant ainsi être fidèle à la protection traditionnelle de la France pour ce pays qu’elle a créé. Visitant Beyrouth dès le 6 août, sous les acclamations de la foule, il promit de revenir le 1er septembre et de trouver des solutions avec la classe politique libanaise au pouvoir.
C’est là que les difficultés ont commencé. Et c’est aussi là que l’on a pu observer une certaine forme d’amateurisme face à des professionnels qui se sont partagés le pouvoir à la fin de la guerre civile (1975-1990) et qui n’ont pas vu l’intérêt de le rendre. En réalité, c’eût été l’intérêt du Liban mais pas de ceux qui le dirigent. Sans pouvoir de contrainte, la messe était dite.
L’idée de départ n’était pas mauvaise en voulant inclure tous les partis ou milices au pouvoir, y compris le Hezbollah. Une réforme majeure en excluant la milice chiite surarmée avait en effet encore moins de chance d’aboutir. Les Américains ont vu cela d’un mauvais œil et choisirent ce moment pour prendre des sanctions (une obsession chez eux) contre des dirigeants chiites et chrétiens trop proches du Hezbollah, ce qui n’a évidemment pas aidé aux négociations. Quand les Américains s’occupent du Proche-Orient, on n’est jamais déçu.
Quoi qu’il en soit, les dirigeants chrétiens, chiites et sunnites promirent au président français tout ce qu’il voulait. Ce dernier crut avoir avancé lorsqu’il obtint qu’un honnête diplomate, non corrompu semble-t-il, soit chargé de former un gouvernement. Il s’appelle Mustapha Adif et se mit à la tâche. Le 27 septembre, il rendit son tablier : la planche était tellement savonnée que la mission était réellement impossible.
La conférence de presse convoquée en urgence par Emmanuel Macron à l’Elysée fut terrible : « trahison collective », « système crapuleux », « profiteurs », et l’on en passe. Il a conclu à l’adresse des journalistes libanais présents : « J’ai honte pour vos dirigeants ».
Un troisième déplacement était prévu fin décembre, mais il fut annulé, le Président étant malade.
Que faire maintenant ? Il est tout de même difficile de continuer à donner de l’argent aveuglément, sachant que cela ne fait qu’enrichir la caste au pouvoir et n’engendre aucun investissement utile pour le pays. Il faudrait remettre le métier sur l’ouvrage mais les chances de réussite sont minces : pourquoi Nabih Berri, par exemple, chef de la milice chiite Amal et président de la Chambre des députés depuis 1992, accepterait de se retirer ? Et même s’il le faisait, ce serait nécessairement au profit d’un chiite d’Amal ce qui ne changerait pas grand-chose à l’affaire.
En réalité, le communautarisme, inventé au départ pour protéger les chrétiens, bloque le pays, protège les intérêts de chaque camp, et empêche tout renouvellement. Sans compter les recrutements multiples fait en fonction du seul critère communautariste encourageant sclérose et corruption.
Le sauvetage du Liban passe par un changement complet de la vie politique libanaise et l’on ne voit vraiment pas qui pourrait le mener.