Il y a 25 ans, l’OTAN bombardait la Serbie

Les Américains sont des professionnels de la guerre. Lorsqu’elles sont déclarées légales par l’ONU (c’est rare mais cela peut arriver, comme en Corée en 1950), ils organisent l’intervention souhaitée avec un mandat en bonne et due forme. Le plus souvent, ce n’est malheureusement pas le cas et c’est alors l’OTAN qui organise l’attaque contre la cible choisie. Il y a un savoureux stade intermédiaire qui consiste à obtenir un mandat de l’ONU sur la base d’un but de guerre précis qui est modifié en cours de route. Le cas de la Libye en est le plus bel exemple de ces dernières années.


Pour l’affaire du Kosovo, il fallut bien se passer de l’ONU, car comment justifier l’attaque d’un pays qui n’avait agressé personne mais luttait contre une guérilla séparatiste ? Rappelons les faits. Le Kosovo était une province serbe majoritairement peuplée d’albanophones. Mais auparavant, il fut longtemps ottoman, tout comme une bonne partie des Balkans d’ailleurs. L’évolution démographique fatale aux chrétiens se produisit au XIXe siècle. Le grand reflux de l’Empire ottoman aboutit à l’indépendance de la Serbie en 1878.

Guerre serbo-turque de 1876-1878

Mais le Kosovo resta ottoman jusqu’à le Première guerre mondiale. De nombreux émigrés musulmans d’origine albanaise quittèrent cette Serbie devenue chrétienne pour s’installer dans ce Kosovo resté musulman. Ce mouvement vint compléter un premier qui s’était produit du XVe au XVIIe siècle lorsque qu’une partie des Serbes, ne voulant plus vivre dans un Kosovo aux mains des Turcs, le quittèrent pour s’installer en Autriche-Hongrie. Ajoutons à cela une démographie hélas plus dynamique chez les musulmans que chez les chrétiens et, en cette fin de XXe siècle, les albanophones étaient nettement plus nombreux au Kosovo que les Serbes de souche.
Profitant du chaos né de l’éclatement de la Yougoslavie orchestré par Washington, une insurrection fut déclenchée par un mouvement terroriste, l’UCK. Ce mouvement, dirigé par Hashim Thaçi se lança dans une guérilla sanglante contre les militaires mais aussi les civils serbes.
L’armée serbe prit le dessus sur l’UCK au grand dam des occidentaux qui employèrent alors les grands moyens en organisant ce qu’ils savent très bien faire : un faux massacre. Plusieurs dizaines de cadavres furent mis en scène à Racak le 15 janvier 1999.

Des villageois devant le mémorial du massacre de Racak.

Les photos les représentant allongés les uns à côté des autres, furent diffusées dans toute la bonne presse habituelle, et l’on dénonça, horrifiés, le massacres de villageois par l’armée serbe. En réalité, ces cadavres étaient ceux de combattants de l’UCK tués au cours d’un accrochage. Personne ne s’étonna qu’il n’y eût ni femmes, ni enfants, ni vieillards parmi les victimes ce qui, pour un massacre de villageois, fait un peu désordre. Une équipe médicale envoyée par l’Union européenne confirmera les faits mais sa responsable, la Finlandaise Helena Ranta, avouera plus tard : [le diplomate américain]
« William Walker voulait que je déclare que les Serbes étaient derrière afin que la guerre puisse commencer ».
Une formidable opération de désinformation se déclencha dans la foulée. On parla de « génocide », de meurtres de « 100 000 à 500 000 personnes », de match de football « avec des têtes coupées », de fœtus arrachés puis grillés, bref du grand art. Le ministre allemand des affaires étrangères alerta enfin sur la préparation d’une opération de nettoyage ethnique appelée « fer à cheval ».
Tout était faux comme le démontreront les enquêtes ultérieures de Der Spiegel ou du Wall Street Journal.
Mais l’OTAN avait son prétexte et entreprit une campagne de bombardements sur la Serbie qui dura 78 jours. Des milliers de civils serbes furent tués et la Serbie accepta de se retirer du Kosovo. L’ONU l’administra jusqu’à son indépendance en 2008.

Bombardiers de l’Otan sur la Serbie

Les Américains ont ensuite mis la main sur le pays où ils ont construit la grande base (7000 hommes) de Bondsteel. Cette vaste manipulation a ainsi pris tout son sens. Le Monde Diplomatique d’avril 2019 eut le mot de la fin : « Le plus gros bobard de la fin du XXe siècle ».

Antoine de Lacoste

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