Décidément 2022 sera une année charnière sur le plan géopolitique. Tandis qu’en Europe l’OTAN, c’est-à-dire l’Amérique, a décidé de produire pour l’Ukraine un immense effort de guerre contre la Russie, le Proche-Orient se lance au contraire dans une vaste entreprise de réconciliation.
Déjà l’Arabie Saoudite et le Qatar avait mis fin à leur brouille née d’un conflit idéologique très ancien entre Wahhabites et Frères musulmans. Parallèlement, les Emirats Arabes Unis se sont rapprochés d’Israël qui a fourni d’importants renseignements militaires dans la guerre au Yémen contre les Houthis soutenus par l’Iran.
C’est maintenant la Turquie qui vient de faire une spectaculaire volte-face dans ses relations avec l’Arabie Saoudite. Depuis l’assassinat du journaliste d’opposition saoudien Khashoggi dans les locaux du consulat saoudien d’Istanbul, les deux pays étaient plus qu’en froid. Erdogan, pour des raisons obscures, a fait de cette affaire une crise majeure, vitupérant contre les dirigeants saoudiens, en particulier le prince héritier Mohamed ben Salmane (MBS) traité d’assassin par le néo sultan turc.
Certes, l’affaire était importante, mais la violence de la réaction d’Erdogan avait surpris, même si cela se passait à l’époque du blocus imprudemment ordonné par MBS contre le Qatar, fidèle allié d’Ankara.
Mais la très sévère crise économique que connait la Turquie a poussé Erdogan à changer de stratégie. L’inflation atteint 60%, le mécontentement est grand et les élections législatives de 2023 ne s’annoncent pas sous les meilleurs auspices. Pour ne rien arranger, l’Arabie Saoudite, client important de la Turquie, avait cessé pratiquement tous ses achats et la devise turque s’est effondrée, perdant la moitié de sa valeur face au dollar.
Acculé, l’orgueilleux néo-sultan a dû aller à Canossa, si l’on ose dire. L’affaire Khashoggi est enterrée, les poursuites annulées (les juges turcs sont très compréhensifs) et Erdogan a pu se rendre à Ryad afin de sceller une réconciliation financièrement indispensable.
Ce basculement intervient au moment où l’ensemble du Proche-Orient se détourne ostensiblement de l’Amérique. Se sentant peu concernés par la guerre en Ukraine, les pays de la région ont condamné du bout des lèvres l’intervention russe en regardant ailleurs. Même Israël n’a pas suivi Washington et refuse d’aider militairement l’Ukraine. L’Etat hébreux a en effet besoin de la neutralité russe en Syrie pour continuer à bombarder les milices iraniennes.
Dans ce concert de réconciliation, l’Iran demeure isolé. C’est donc vers la Chine que l’Etat chiite se tourne maintenant avec une décision lourde de de sens : la Chine pourra payer le pétrole et le gaz iranien en yuan. C’est une première et, après la Russie, l’Iran est le deuxième producteur majeur à vouloir mettre fin au monopole du dollar dans les transactions internationales d’hydrocarbures. L’Arabie Saoudite n’en n’est pas encore là mais elle n’a pas accédé à la demande de Washington d’augmenter sa production de pétrole afin de faire baisser les cours et d’embarrasser la Russie. Ryad n’a pas oublié les leçons de morale américaines et son absence de soutien quand l’Iran a détruit une bonne partie de ses installations pétrolières en septembre 2019.
Heureusement pour l’Amérique l’Europe est là, fidèle au poste, pour lui faire un peu oublier ses déboires du continent asiatique. Le jour où celle-ci aura une politique étrangère autonome, les Etats-Unis se sentiront bien seuls, mais ce n’est pas pour demain.
Recomposition géopolitique au Proche-Orient sur fond de guerre en Europe
L’Egypte ou l’islamisme vaincu
Le voyageur qui désire aller en Egypte s’y rend le plus souvent pour admirer les somptueux vestiges de l’ère des pharaons. Il n’est généralement pas déçu. Beaucoup de ces monuments ont été parfaitement conservés. De plus, d’admirables fresques aux couleurs intactes ornent des tombes ou d’autres monuments à la gloire des pharaons et des multiples […]
Read MoreLa prudente stratégie iranienne
Depuis l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre dernier et l’incroyable violence de la riposte israélienne, le monde scrute le comportement de l’Iran, acteur essentiel de la poudrière orientale. Le Hamas a dû être déçu : dans les jours qui ont suivi son offensive, l’Iran n’a pas bronché et n’envisage pas de le faire. Les spéculations […]
Read MoreL’Arabie Saoudite, au cœur du basculement géopolitique
Depuis le déclenchement de l’opération Z par la Russie, les équilibres (ou déséquilibres) géopolitiques ont été bouleversés. La croisade dans laquelle s’est lancée l’occident, sous la houlette de Washington et de Londres, n’a pas convaincu ce qu’il appelle avec un brin de mépris, « le reste du monde ». De l’Asie au Proche-Orient en passant par l’Afrique […]
Read More