La Turquie s’enfonce dans une grave crise économique

Devenu premier ministre en 2003 puis Président de la République en 2014, Erdogan n’a d’abord connu que des succès économiques. Une croissance remarquable et durable avait permis l’émergence de nouvelles classes moyennes et valu une popularité immense à l’ancien maire d’Istanbul.

Depuis quelques années, le modèle se fissure. L’inflation augmente, les salaires ne suivent pas et le pouvoir d’achat des Turcs baisse inexorablement. L’effondrement de la livre turque depuis l’automne a accéléré le processus et aujourd’hui le mécontentement monte, alors que le tourisme, totalement en berne, n’est plus là pour apporter des devises.

A Istanbul, comme dans les autres villes du pays, les files d’attente s’allongent devant les magasins. Des millions de Turcs, auparavant relativement aisés, n’ont plus les moyens de s’acheter de la viande devenue un produit de luxe. Même les huiles végétales ont vu leurs prix plus que doubler en moins d’un an.

De ce fait, la popularité d’Erdogan est en berne et l’inquiétude commence à monter dans l’entourage du néo-sultan. Erdogan n’écoute plus personne, a encore limogé récemment le ministre des finances, alors que c’est lui qui décide de tout. La banque centrale n’a pas d’autonomie, et plus personne n’ose contredire celui qui va fêter ses vingt de pouvoir dans un an.

L’année prochaine justement sera décisive, car des élections législatives sont prévues. Les sondages sont mauvais pour le parti de l’autocrate (AKP) et une défaite est aujourd’hui un scénario plus que possible. Les élections municipales qui se sont déroulées en 2019 ont été fort mauvaises pour l’AKP qui, certes, a conservé la majorité dans le pays mais a perdu les plus grandes villes : Istanbul, Ankara, Antalya ou Adana. A Istanbul, Erdogan a tout fait pour empêcher l’inéluctable et a notamment fait annuler l’élection pour d’imaginaires irrégularités. Le deuxième vote a confirmé plus largement encore le succès de celui qui rêve de devenir premier ministre : Ekrem Imamoglu. Accusé de tous les maux par l’AKP (« Grec ennemi de la nation »), Imamoglu, a pourtant donné beaucoup de gages à l’islamo-nationalisme turc : intervention d’un imam dans ses réunions, refus de reconnaître le génocide arménien, opposition à la vente d’alcool dans les cafés municipaux, la panoplie est à peu près complète.

Mais le danger est tout de même réel pour Erdogan, qui a de plus souffert de rumeurs très persistantes d’enrichissement illégal pour lui et sa famille.

Alors, pour détourner l’attention, il multiplie les initiatives diplomatiques tous azimuts. Ces derniers mois, il a ainsi tendu la main à ses ennemis d’hier : l’Égypte, l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, l’Iran et même, surprise, l’Arménie. C’est un peu désordonné, mais personne ne lui a fermé la porte, même l’Égypte avec qui les tensions en Méditerranée et en Libye étaient pourtant très fortes.

L’effacement (relatif) de la politique américaine au Proche-Orient a rebattu les cartes, et chacun est désormais très prudent dans ses discussions diplomatiques. Erdogan lui-même en a beaucoup rabattu sur ses déclarations martiales.

La Turquie se déploie également en Afrique, non sans succès il faut le reconnaître. Elle croise d’ailleurs souvent, son meilleur ennemi, la Russie. Mais rien n’est encore joué. Le peuple turc est certes las de la crise et de cette dictature islamo-nationaliste rampante. Mais il ne faut jamais oublié que ce pays s’est construit sur la conquête d’une terre d’où il a expulsé et massacré ses occupants chrétiens, grecs et arméniens. Cela est inscrit dans la mémoire du peuple turc pour qui l’islam et le nationalisme constituent des piliers inébranlables.

Fresque sur un mur de l’ambassade des États-Unis à Téhéran
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