Trump-Vance, révolution ou simple coup de barre à droite ?

Les premiers mois de la présidence de Donald Trump ont marqué le monde. Des centaines de décrets ont été pris en un temps record, dont beaucoup dès le premier jour. Licenciements massifs dans l’administration, nominations controversées, déclarations provocatrices, négociations avec la Russie : les signes de rupture sont multiples. Pour autant, s’agit-il d’une vraie révolution ou d’un simple coup de barre à droite, nimbé de protectionnisme et d’isolationnisme ?

 Pour répondre à cette question, certains invoquent le célèbre testament de George Washington dans lequel le premier président suggérait de se concentrer sur les Etats-Unis encore balbutiants, sans se mêler des affaires du monde, en particulier de l’Europe. Ce texte, trop souvent qualifié d’isolationniste, était en réalité un appel à la prudence et à la progression graduée : d’abord consolider le nouveau pays puis étendre son influence progressivement.

 C’est en effet ainsi que se passeront les XIXe et XXe siècles avec une accélération impérialiste saisissante à partir de 1991 et la fin du communisme.

 Trump n’a pas approuvé cette fuite en avant, ce « chaos constructif » cher aux néo-conservateurs. J.D. Vance, son vice-président, est allé encore plus loin : « Je me moque de ce qui arrivera à l’Ukraine » déclarait-il en février 2022, alors qu’il se lançait à la conquête du siège de sénateur de l’Ohio.

J-D Vance lors d’un meeting

 C’est cet attelage Trump-Vance qui peut faire penser qu’il ne s’agit pas seulement de faire bouger les lignes à droite, mais de renverser la table. Tuer le wokisme ou stopper l’immigration, d’accord, mais d’autres pourront inverser plus tard ces processus. Alors l’idée semble bien être d’aller plus loin, de détruire l’Etat profond : peuplé de centaines de milliers de juges, de fonctionnaires, de militaires ou d’agents du très gauchiste FBI, cet Etat profond a paralysé le premier mandat de Trump dont il n’est finalement rien resté, à part une Cour suprême très conservatrice, ce qui sera d’ailleurs bien utile.

 Pendant quatre ans, Trump a préparé son retour, sans, cette fois, se laisser imposer des généraux qu’il n’aimait pas ou des technocrates qui n’en feraient qu’à leur tête. Des nominations soigneusement pesées ont été annoncées. Les partisans de la tyrannie sanitaire ont été affolés par le choix de l’antivax Robert Kennedy à la santé. Le nom de Scott Bessent au Trésor a d’abord rassuré : ancien salarié de Soros, marié à un homme, c’était plutôt un profil démocrate. Hélas, Bessent veut les droits de douane, et surtout « ne pas devenir une économie de type européen, surréglementée et surendettée ». Son prédécesseur, ancien du bastion Goldman Sachs, était finalement davantage dans la ligne.

 D’autres décisions ont consterné l’Etat profond : nomination de Kash Patel à la tête du FBI (la purge promet d’être sévère), renvoi récent des responsables démocrates du Conseil de Sécurité National (NSA), renvoi du général Brown, chef d’état-major de l’armée. En revanche, plusieurs choix relèvent de formats plus classiques, plus conformes aux goûts du complexe militaro-industriel, une des branches majeures de l’Etat profond : Marco Rubio au poste très important de Secrétaire d’Etat ou Pete Hegseth à la tête du Pentagone. Il y avait aussi Michael Waltz à la Sécurité, mais il vient d’être remercié. Certes, ces hommes se sont parfaitement alignés sur les positions de leur Président, mais rien ne dit que ce ne soit pas par opportunisme.

Kash Patel, nouveau patron du FBI

 Au sein de ces nominations contradictoires, le choix de J.D Vance à la vice-présidence semble être le plus emblématique. Son parcours est bien connu grâce à son livre Hillbilly Elégie. Un hillbilly, c’est un plouc des Appalaches. La jeunesse de Vance entre Kentucky et Ohio raconte cette histoire si américaine d’un garçon abandonné par son père, puis par sa mère alcoolique et droguée. Elevé par des grands-parents haut en couleurs mais affectueux, dans un environnement de petits blancs déclassés, il s’en sortira, sera diplômé de Yale, juriste, financier, sénateur.

 Son livre fut lu par des millions d’Américains. Converti au catholicisme, grand lecteur de Saint Augustin, il est hostile aux aventures militaires dévastatrices, méprise l’Europe et sa décadence, respecte la Russie, déteste le wokisme, l’Etat profond et le multilatéralisme.

 Intellectuellement plus structuré que Trump, s’il lui succède, c’est lui qui pourra incarner une vraie révolution.

AMÉRIQUE ARTICLES ASIE CHINE INDE RUSSIE

Trump punit l’Inde, alors Modi va se promener en Chine

Donald Trump a parfois de drôles d’idées. Depuis des décennies, les Etats-Unis tentent un rapprochement avec l’Inde. Ce n’était pas chose aisée car l’Inde fut longtemps un partenaire très proche de l’Union soviétique, même s’il n’en partageait guère l’idéologie marxiste. Mais les contraintes géopolitiques ne lui laissaient guère le choix puisque l’Amérique préférait voguer en […]

Read More
Fresque sur un mur de l’ambassade des États-Unis à Téhéran
AMÉRIQUE ARTICLES MOYEN ET PROCHE-ORIENT RUSSIE

L’Iran, entre nationalisme et islamisme

               L’Iran est une grande puissance contrariée. Contrariée surtout par elle-même. Oscillant entre un nationalisme fier et un attachement majoritaire à l’islam chiite, elle a subi, bien malgré elle, des formes de régime qui ne correspondaient pas à la volonté du peuple perse.                 Après le règne des Kadjars, qui prit fin en 1906 sur […]

Read More
AMÉRIQUE CAUCASE

Trump s’implante dans le Caucase et réjouit la Turquie

Voilà vingt ans que le sultan Erdogan en rêvait : bénéficier d’un corridor reliant laTurquie à l’Azerbaïdjan lui permettant ainsi l’accès à la Mer Caspienne et, au-delà, àl’ensemble de l’Asie centrale.Le début du corridor est facile à réaliser : un tout petit lien frontalier existe entre laTurquie et l’Azerbaïdjan. Il donne accès à l’enclave azérie du Nakhitchevan. […]

Read More